Nicole Gauthier : « L’Ajéduc a deux ancêtres »

Journaliste et universitaire, Nicole Gauthier est directrice du Cuej (Centre universitaire d’enseignement du journalisme, Université de Strasbourg) depuis 2009. C’est à la rubrique éducation qu’elle a fait une bonne partie de sa carrière dans la presse, notamment pour Libération, où elle a aussi été correspondante dans l’Est et cheffe du service Grand Angle.  

L’Ajéduc lui a demandé de lui ouvrir son « armoire aux souvenirs » pour découvrir les associations de journalistes éducation et universitaires qui l’ont précédée. 

Ajéduc : Quel a été votre parcours dans le journalisme éducation?

NG_faceIl a débuté avec Christian Beullac sous Valéry Giscard d’Estaing, et s’est terminé avec Lionel Jospin pendant le deuxième septennat de François Mitterrand.
J’ai commencé, ou presque, ma carrière à L’Education, un magazine hebdomadaire spécialisé dans les questions scolaires et universitaires, qui traitait à la fois d’actualité éducative et d’enjeux pédagogiques.
C’était il y a 40 ans, et beaucoup des sujets polémiques de l’époque ressemblent étonnamment à ceux d’aujourd’hui : l’apprentissage de la lecture avec les anathèmes contre la méthode dite globale, la sempiternelle baisse de niveau, les rythmes scolaires, et j’en oublie…
La revue ferme à l’été 1984, et après quelques mois de piges je rejoins un nouvel hebdomadaire en création, La Lettre de l’éducation, financé par les mutuelles enseignantes (MAIF, CAMIF, MGEN…) qui apparaissaient alors comme le bras financier de la galaxie enseignante laïque (dans l’orbite de la FEN, de son principal syndical, le SNI-PEGC, du CNAL, le Comité national d’action laïque).
Concrètement, il s’agit d’un supplément inséré dans le quotidien Le Matin de Paris, alors dirigé par Max Gallo (secondé par un certain François Hollande), censé drainer le lectorat enseignant.
L’initiative fait long feu, mais pour ce qui me concerne, je n’y reste que quelques semaines, débauchée par Libération dont la rubrique éducation compte alors, luxe inouï, deux journalistes.
J’intègre donc Libération en janvier 1986, et je reste dans la rubrique jusqu’en décembre 1990.
Pour faire un peu d’archéologie ministérielle, j’ai donc connu à cette rubrique les ministères Beullac et Saunier-Seïté, Savary, Chevènement, Monory et Devaquet, Jospin et quelques autres, avec 3 alternances politiques et un certain nombre de mouvements de masse, de reculs, de passage en force.

A quelles initiatives collectives avez vous participé qui pourraient faire écho à l’Ajéduc aujourd’hui ?

L’Ajéduc a un, et même deux ancêtres, l’APIJ (Association presse information jeunesse) et l’AJU (Association des journalistes universitaires).
  • L’APIJ a été créée en 1966, elle regroupe les journalistes éducation, mais aussi tous ceux qui s’intéressent de façon plus générale aux questions de jeunesse. Elle milite activement, en ces temps où le CLEMI n’existe pas, pour l’introduction de la presse et des médias à l’école, en tous cas pour que la presse ne soit pas seulement considérée comme un auxiliaire d’enseignement (démarche déjà audacieuse pour l’époque), mais aussi comme objet d’étude. Il s’agit – déjà – de réduire le fossé entre les médias et les jeunes, et en ces temps d’avant Internet, de mettre journaux et magazines dans les mains de tous les collégiens et lycéens. L’APIJ bénéficie de subventions du ministère de la Jeunesse et ses sports, dispose de locaux et salarie une secrétaire.
  • L’AJU, créée en 1971, intervient de manière plus spécifique dans le champ scolaire et universitaire, et notamment sur la défense de l’accès à l’information des journalistes (publication des rapports, visites ministérielles, accès des médias à l’information parfois complètement verrouillée).
L’APIJ et l’AJU ont organisé plusieurs colloques sur l’introduction de la presse à l’école. Elles animent aussi des débats sur l’information, les jeunes et la politique de la jeunesse (éducation sexuelle, drogue, etc.).
Elles éditent une lettre d’information hebdomadaire (ronéotée) envoyée tous les vendredis à tous les adhérents par voie postale.
L’AJU attribue chaque année un prix à un ouvrage (Robert Bréchon pour La fin des lycées, Gérard Vincent pour Le Peuple lycéen…), organise des déjeuners thématiques à destination de ses adhérents, etc.
Donc pour répondre à la question, oui, j’ai participé à de nombreux événements organisés par l’une ou l’autre de ces associations dont j’ai été membre du bureau.

Un souvenir marquant lié à ces associations?

Il y en a beaucoup. Pour les actions « corporate »: le bras de fer avec la ministre des Universités, Alice Saunier-Seïté et son équipe, qui refusaient tout contact avec les journalistes débarquant en force au ministère, rue Dutot.

Sinon, les débats entre journalistes pour donner une visibilité aux jeunes dans les médias.

 

Aujourd’hui, quel doit être le rôle d’une association thématique comme l’Ajéduc?

Je suis influencée par ce que j’ai connu et la réponse a forcément une détestable connotation « ancien combattant ». Tant pis.
  • Défendre et porter les sujets éducation et sup dans tous les médias ;
  • assumer le côté expert des questions d’éducation (en gros, faire gentiment comprendre à son rédacteur en chef que ce n’est pas parce qu’il a ses deux gamins dans un lycée parisien que son point de vue est pertinent);
  • participer au débat public autour de l’école et de l’Université;
  • et pourquoi pas contribuer à la formation de jeunes collègues et/ou à la formation continue de plus anciens sur les enjeux du scolaire et du supérieur.

Propos recueillis par Théo Haberbusch

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