Rencontre avec le bureau de la Conférence des Grandes Ecoles

16 journalistes ont échangé avec 9 directeurs de grandes écoles, membres du bureau de la CGE le mardi 16 janvier. En cette période de réformes, deux sujets ont dominé les échanges : ParcourSup et la réforme de l’apprentissage. Mais déjà, la CGE a d’autres combats collectifs en tête…

ParcourSup

Les écoles accessibles après classes prépa se sont mobilisées auprès de ces dernières pour obtenir la possibilité de vœux groupés. Pour les écoles accessibles post bac, la situation est hétérogène, certaines n’étant pas sur la plateforme (par choix) afin de pouvoir travailler sur leur visibilité et surtout entrer en contact avec les étudiants au moment de leur choix (cette année les établissements ne seront pas autorisés à communiquer avant le 22 mai). Des questions qui devront être éclaircies avant l’obligation pour tous les établissements de figurer sur la plateforme en vue pour 2020.

La CGE a rappelé militer pour l’accès des étudiants à la filière de leur choix. Cela passant par toujours plus de transparence sur les filières, leurs attendus, leurs débouchés, les cursus. La CGE est engagée depuis des années dans une politique de communication et de mentorat vers les lycéens, notamment les plus éloignés de leur écosystème, pour faire savoir que c’est possible. La CGE a signé un partenariat avec l’Agence du service civique pour développer encore ces actions.

Réforme de l’apprentissage

15 % des diplômés des grandes écoles le sont par la voie de l’apprentissage. L’objectif est d’atteindre les 25 % à l’horizon 2025. Pour cela la CGE a insisté sur la nécessité d’avoir le système de financement, de pilotage et de gouvernance adéquat. Les écoles considèrent l’apprentissage comme une filière d’excellence, un dispositif pédagogique alternatif levier d’ouverture sociale, professionnalisant et menant à une insertion rapide et de qualité.

Côté financement, la CGE insiste sur la nécessité d’avoir une prise en charge du coût par étudiant suffisante, certaines écoles connaissant déjà des difficultés. Ce combat est mené conjointement avec la CPU et la CDEFI. Concernant le hors quota (la part barème versée par les entreprises à l’établissement de leur choix), cette part a déjà baissé de 37 % en moyenne. La CGE parle de péril si la baisse devait se poursuivre et explique avoir eu des échos rassurants sur sa stabilisation.

La CGE s’est félicitée de l’assouplissement sur le front des regroupements dans le supérieur. L’enjeu pour les grandes écoles étant de conserver ce qui fait leur efficience et leur agilité (personnalité morale, marque, sélectivité, professionnalisation, recherche, lien avec l’entreprise, international…) Les écoles membres de la CGE sont ainsi engagées dans le mouvement de définition de nouveaux modèles de regroupements.

La CGE a annoncé son combat pour 2018 : obtenir le grade de Licence (DNL) pour les Bachelors des grandes écoles. Le grade de Licence existe pour d’autres écoles, hors université, comme les écoles d’infirmier(e)s. Obtenir le grade serait un indicateur de qualité pour les étudiants à l’heure où ces formations foisonnent sur le marché, et est aussi essentiel dans la perspective de la poursuite d’études et des équivalences.

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Des dizaines de CFA en danger de fermeture selon les Chambres de commerce et d’industrie

Pierre Goguet, Président de CCI France répond à « La question de l’Ajéduc »

Ajéduc : Quels sont les risques de la réforme de l’apprentissage pour les établissements du réseau consulaire ?

Pierre Goguet : La mission des Chambres de commerce et d’industrie (CCI) est de créer de la formation en fonction des besoins des bassins d’emploi, en lien avec des branches qui n’ont pas la capillarité territoriale suffisante pour mener à bien ces actions. A la fois collecteur de la taxe d’apprentissage et opérateur, le réseau des CCI est à la confluence des besoins des territoires et des branches : nous pensons pouvoir jouer un rôle de pilote dans l’avenir de l’apprentissage.

Mais le projet de réforme et sa coupe budgétaire de 150 M€ pour le réseau ne vont pas forcément en ce sens et impliquent des risques réels pour nos formations :

– La fermeture de dizaines de centres de formation d’apprentis (CFA). La taxe d’apprentissage devrait suffire au financement des CFA mais, dans les faits, ce n’est pas toujours le cas. Les CCI leur allouent donc des subventions d’équipement issues de leur taxe pour frais de chambre, une taxe perçue par les CCI pour assurer le financement de leur fonctionnement.

Si le rapport de l’Inspection Générale des Finances sur la réduction du portefeuille des métiers des chambres leur interdit d’allouer une quote-part de cette taxe à l’apprentissage, que vont devenir les CFA ? Car si les fonds issus de la taxe pour frais de chambre n’ont pas vocation à être utilisés pour l’apprentissage, force est de constater qu’elle contribue de façon substantielle à son financement. Sans elle, près de 30 CFA se retrouveraient en danger de fermeture, à moins qu’un conseil régional ou une branche prenne le relais, ce dont je doute.

– La suppression de formation de niches. Avec la rémunération des CFA au contrat, le projet de réforme induit un système poussant à la volumétrie et donc à privilégier des filières porteuses au détriment des formations de niche et de certains territoires déjà en proie à la désertification. Un système qui implique aussi l’éloignement des entrepreneurs et des CFA ainsi qu’un accompagnement des entreprises et des élèves moins personnalisé.

-Un risque lié au développement du statut d’établissement d’enseignement supérieur consulaire (EESC) et l’ouverture du capital aux investisseurs étrangers. Un statut qu’on dit salvateur mais qui a pourtant un gros défaut en ce qu’il interdit la rémunération des plus-values. Pour un investisseur, le retour sur investissement est faible, sauf à racheter l’école dans son intégralité.

-L’affaiblissement de la démocratisation des grandes écoles qui vont devoir pallier ces coupes budgétaires par une augmentation de leurs frais de scolarité.

Mais nos préoccupations ne reposent pas tant sur cette nouvelle coupe budgétaire (nous en avons déjà subi de nombreuses et avons toujours su rebondir), que sur la brutalité de son application qui doit être réalisée en 3 mois seulement. Comme le dit Kierkegaard, « le chemin est difficile mais c’est le difficile qui est le chemin »

Propos recueillis par Clarisse Watine (Le Journal des Grandes Ecoles et Universités)