Paul Quinio : « Ce n’est pas forcément un sujet « sexy » qui va attirer les journalistes »

Suite de notre série d’entretiens sur la manière dont les questions d’éducation sont traitées par les médias, lancée à l’occasion du colloque organisé par les Cahiers pédagogiques le 30 octobre 2012.

©Paul Quinio.
©Paul Quinio.

Rencontre avec Paul Quinio. Actuellement directeur adjoint de la rédaction du Nouvel Observateur, en charge du numérique, il a débuté sa carrière de journaliste comme rubricard « Éducation » à Libération en 1995, avant de devenir directeur adjoint du quotidien de la rue Béranger.

Ajéduc : quelle est la particularité de la rubrique « Éducation » dans un journal ?

Paul Quinio : « C’est une rubrique un peu à part. Tout d’abord parce que tout le monde est concerné par cette question, qui est aussi au cœur de l’identité française et du pacte républicain. Mais surtout, il s’agit d’une rubrique qui peut prendre énormément d’importance en fonction de l’actualité : ce sont les sujets éduc’ qui s’enflamment le plus. L’école libre en 1984, la loi Devaquet en 1986, le CPE (Contrat première embauche) en 2006… Si on regarde les grands conflits sociaux, les sujets éduc’ remportent la palme. Ils clivent, bousculent les politiques, et peuvent faire reculer un gouvernement. D’un autre côté – entre ces périodes extrêmes, c’est aussi un sujet assez institutionnel, qui ne prend pas toujours assez de places dans les rédactions. Ce n’est pas forcément un sujet « sexy » qui va attirer les journalistes. » Lire la suite

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Luc Cédelle : « Un journaliste éducation ne devrait pas passer plus d’une semaine sans aller dans un établissement »

Suite de notre série d’entretiens sur la manière dont les questions d’éducation sont traitées par les médias, lancée à l’occasion du colloque organisé par les Cahiers pédagogiques le 30 octobre 2012.

©Luc Cédelle.
©Luc Cédelle.

Rencontre avec Luc Cédelle, journaliste au Monde, blogueur et auteur d’ouvrages sur l’éducation.

Ajéduc : Parle-t-on assez des questions d’éducation dans les médias ?

Luc Cédelle : « Le point clé n’est pas la quantité, mais la qualité qui dépend moins du journaliste, de son éthique ou de son acharnement que des contraintes de productivité qui pèsent sur lui. Ce domaine est un vivier d’articles. Mais dès qu’on creuse les questions d’éducation, on se heurte à une certaine complexité. Cela signifie qu’il faut travailler plus, lire deux ou trois bouquins, aller voir un chercheur d’un avis différent, revérifier sur le terrain… prendre le temps. Dans une presse en crise, la tentation est de tout faire à l’économie : économie d’argent, d’énergie et d’investissement intellectuel. Ce système demande du simple de l’efficace, du percutant. La doctrine en vigueur est celle de la superficialité. »

Ajéduc : Comment les journalistes éducation se portent-ils ?

L. Cédelle : « Il y a un peu plus de dix ans, l’espèce des journalistes éducation semblait en voie de disparition. Aujourd’hui, une nouvelle génération de journalistes éducation semble arriver à maturité. C’est l’une des évolutions positives de ces dernières années. L’éducation est un sujet total dans lequel on retrouve les grands enjeux de société, la grande politique, les grands débats d’idées, en lien avec le politique, le social, l’économique, etc. Il faut un temps incompressible pour réussir à comprendre ce qui se passe. D’ailleurs, à me débuts dans cette spécialité, je me suis demandé si je n’étais pas dans l’incompréhension totale ! »

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Michel Lussault : « On ne voit pratiquement rien sur ce qui se passe réellement dans les classes »

Suite de notre série d’entretiens sur la manière dont les questions d’éducation sont traitées par les médias, lancée à l’occasion du colloque organisé par les Cahiers pédagogiques le 30 octobre 2012.

©Michel Lussault.
©Michel Lussault.

Rencontre avec Michel Lussault, qui dirige depuis mi-octobre 2012 l’Institut français de l’Education (ex-INRP). Ce géographe préside aussi le Pôle de recherche et d’enseignement supérieur de Lyon depuis 2008.

Ajéduc : Parle-t-on vraiment-assez- des questions d’éducation dans les médias ?

Michel Lussault : « Je serais tenté de répondre oui, tout le temps… mais en réalité, on n’en parle jamais. Il y a une distorsion : l’éducation apparaît comme un sujet de très important dont les medias se font l’écho avec des marronniers, tels que la rentrée scolaires, le baccalauréat, la violence. Il y a comme cela une sorte d’omniprésence de l’éducation. Mais en réalité, ces marronniers, ou ces réactions à chaud après un fait divers, constituent un leurre, un écran de fumée. Tout le monde à l’impression d’être informé dans un pays où tout le monde croit être un expert de l’’éducation. Il y a en réalité très peu d’analyse, très peu d’enquête de fond, très peu de compréhension du système éducatif. La presse se contente souvent de stéréotypes, de poncifs. Je suis frappé de constater que très peu de journalistes qui parlent d’éducation dans les grands médias connaissent vraiment le fonctionnement du système. C’est vrai, excepté pour les médias spécialisés. Et à la télévision, c’est pire… »

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Emmanuel Davidenkoff : « On ne parle pas assez de l’enseignement professionnel »

Suite de notre série d’entretiens sur la manière dont les questions d’éducation sont traitées par les médias, lancée à l’occasion du colloque organisé par les Cahiers pédagogiques le 30 octobre 2012.

©Emmanuel Davidenkoff.

Rencontre avec Emmanuel Davidenkoff. Directeur de la rédaction de L’Etudiant, il tient également une chronique sur France Info consacrée aux questions d’éducation et est l’auteur de plusieurs ouvrages sur le sujet.

Ajéduc : Parle-t-on vraiment assez des questions d’éducation dans les médias ?

Emmanuel Davidenkoff : « Globalement, c’est difficile à dire. Mais s’il y a un média où ce n’est pas assez, et pas assez bien, c’est la télévision. Attention, ce n’est pas un problème de compétence des journalistes dans les rédactions. Mais il manque un grand rendez-vous sur l’éducation, type magazine, avec des sujets longs et des efforts de décryptage, comme cela existe sur l’économie ou les médias. Il y a bien des projets en cours, mais ils ne trouvent pas preneurs. Les producteurs n’arrivent pas à imposer ce genre d’émission car on leur répond systématiquement que ça ne fait pas d’audience. En septembre, France 3 a diffusé un très bon documentaire sur un internat de Montpellier, « Le pensionnat de l’espoir ». Poser des caméras un an ou deux dans un endroit et scruter les évolutions quotidiennes, c’est génial, il n’y a que la télévision qui peut faire ça. Mais ce documentaire n’a pas pour autant fait un carton d’audience.

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Antoine Prost : « Un des travers de la presse française est de ne pas présenter d’abord les faits »

Suite de notre série d’entretiens sur la manière dont les questions d’éducation sont traitées par les médias, lancée à l’occasion du colloque organisé par les Cahiers pédagogiques le 30 octobre 2012.

Rencontre avec Antoine Prost. Historien de la société française au XXe siècle, il est spécialisé dans les questions d’éducation. Depuis les années 1960, il a aussi collaboré à la définition de politiques d’éducation.

©Antoine Prost.

Ajéduc : Aujourd’hui, parle-t-on assez des questions d’éducation dans les médias, notamment en comparaison d’époques antérieures ?

Antoine Prost : « C’est toujours le problème de la poule et de l’œuf. On ne sait jamais si l’opinion publique s’intéresse à un sujet parce que les médias le traitent, ou si les médias traitent le sujet parce qu’il intéresse l’opinion. Dans les années soixante et un peu au-delà, la grande presse quotidienne parisienne accordait une place considérable, des pages entières, aux débats éducatifs. Dans le même temps, le ministre de l’Éducation nationale de l’époque, Christian Fouchet (de 1962 à 1967), faisait des émissions télévisées spécifiquement consacrées à l’Ecole qui duraient entre une heure à une heure et demie. Les sujets d’éducation étaient donc vraiment à la Une. D’autant que certains journalistes étaient tout à fait spécialisés, ils connaissaient l’Éducation nationale aussi bien sinon mieux que le ministre, comme par exemple Bertrand Girod de l’Ain au quotidien Le Monde ou Jean Papillon au Figaro.

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