Sébastien Sihr : ce que propose Bruno Le Maire pour le primaire serait « un vrai nivellement par le bas »

Sébastien Sihr, professeur des écoles, est depuis juin 2010 secrétaire général du SNUipp-FSU, principal syndicat des enseignants du primaire.
Sébastien Sihr, professeur des écoles, est depuis juin 2010 secrétaire général du SNUipp-FSU, principal syndicat des enseignants du primaire.

Ajeduc : Bruno Le Maire, député UMP et candidat à la primaire de ce parti pour la présidentielle, lors du débat télévisé du 21 mai qui l’opposait à Najat Vallaud-Belkacem, a formulé à plusieurs reprises la proposition d’instaurer « 15 heures d’apprentissage du français à l’école primaire pour vraiment mettre le paquet sur l’apprentissage de notre langue ». Qu’en pensez-vous ?

Sébastien Sirh : C’est le type même de propos désinvolte qui dessert la qualité du débat éducatif. La semaine d’un écolier du primaire n’est pas extensible. Elle est de 24 heures. Le français y tient la première place : 10 heures hebdomadaires en cycle 2 ( CP, CE1 et CE2) et 8 heures en cycle 3 ( CM1 et CM2). Passer demain à 15 heures signifie qu’il ne resterait que 9 heures d’école par semaine pour tout le reste.

Quand on veut ajouter des heures dans une matière, dans le même temps, il faut dire ce que l’on retranche : des heures de mathématiques ? de langues vivantes ? d’histoire ? Serait-ce la fin des arts ou celle de l’éducation physique ? Pour le coup, ce serait un vrai nivellement par le bas que dénonce pourtant avec véhémence Bruno Le Maire. A moins qu’attaché aux filières précoces et aux inégalités tenaces, il souhaite confier au périscolaire et aux officines privées certains enseignements qui ne seront alors pas accessibles à tous ? Si tel est le cas, qu’il le dise.

C’est oublier un peu vite qu’à l’école primaire, où un enseignant a la charge de toutes les matières, la maîtrise de la langue est une préoccupation permanente. Les élèves développent des compétences pour l’écrit en produisant un compte rendu d’expérience scientifique, renforcent leur langue orale en argumentant lors d’un débat d’éducation civique… Alors, oui à la priorité à la langue. Mais ce n’est pas qu’une question d’heures, plutôt de cadre propice et stimulant, de pratiques adaptées, de formation des enseignants… Là, le débat aurait du sens.

Propos recueillis par Luc Cédelle

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