Les enseignants du primaire négligeraient l’acquisition des connaissances ? « Une appréciation ridicule », estime Patrick Picard (Centre Alain-Savary)

Patrick Picard est directeur du Centre Alain-Savary, à l’Institut français de l’éducation (Ifé). Auparavant, il a été professeur des écoles, militant syndical au SNUipp-FSU, coordonnateur de zone d'éducation prioritaire et formateur au rectorat de Dijon. © P. Picard
Patrick Picard est directeur du Centre Alain-Savary, à l’Institut français de l’éducation (Ifé). Auparavant, il a été professeur des écoles, militant syndical au SNUipp-FSU, coordonnateur de zone d’éducation prioritaire et formateur au rectorat de Dijon. © P. Picard

Ajéduc : Dans Réapprendre à lire (Seuil), un livre très bien accueilli par les médias, deux sociologues, Sandrine Garcia et Anne-Claudine Oller, critiquent « les conceptions intellectualistes qui dévalorisent les aspects les plus techniques et répétitifs » de l’apprentissage de la lecture. Des conceptions qui, écrivent-elles dans leur chapitre de conclusion, « expliquent que les professeurs des écoles préfèrent pour la plupart d’entre eux ‘l’épanouissement de la personnalité’ des élèves à l’acquisition des connaissances ». Que pensez-vous de cette affirmation ?

Patrick Picard : « Cette appréciation globalisante est aussi ridicule que celles qui accusent les professeurs du second degré ou du supérieur de ne faire aucun cas des difficultés d’apprentissage de leurs élèves. À l’inverse de cette caricature, les deux cultures professionnelles ont tout à gagner à se nourrir mutuellement : les attitudes pédagogiques bienveillantes sont utiles, mais pour pouvoir agir sur ce qu’apprennent les élèves, il faut à la fois des connaissances sur les savoirs à enseigner et sur ce qui pose problème aux élèves.

Ce n’est pas simple, et les enseignants ont besoin à la fois que se développent des recherches sérieuses et des formations qui les aident à construire des pratiques efficaces. Dans l’importante recherche dont nous venons de publier les premiers résultats, à partir de l’analyse de 3.000 heures d’enseignement du lire-écrire au CP, on constate que les maîtres efficaces agissent sur un nombre considérable de tâches : enseigner les correspondances grapho-phono, encoder par l’écriture, apprendre à comprendre, à anticiper, faire observer la langue, expliciter les procédures, enseigner le lexique ou acculturer avec la littérature de jeunesse…

Loin des querelles médiatiques de plateau télé, cette seule liste devrait rendre modestes les Cassandre et les spécialistes autoproclamés qui nous rabâchent qu’il suffit de suivre leur bannière pour résoudre par magie les inégalités sociales devant les apprentissages. L’urgence est d’aider les professionnels à y parvenir, pas à régler des comptes. »

Propos recueillis par Luc Cédelle

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