
Ancien premier ministre (1993-1995), maire de Bordeaux depuis 2006, candidat à la primaire de l’UMP en vue de l’élection présidentielle de 2017, Alain Juppé a annoncé en février qu’il irait « tout au long de cette année à la rencontre des acteurs de l’éducation nationale ».
Ajéduc : Tout en soulignant que « rien ne se fera sans la confiance des enseignants » ni sans reconnaître, y compris sur le plan financier, leur engagement, vous voulez rétablir le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, donc reprendre les réductions de postes qui ont démoralisé l’éducation nationale jusqu’en 2012. N’y a-t-il pas incompatibilité entre ces deux propositions ?
Alain Juppé : « On ne peut pas mettre sur le même plan l’un des leviers de réduction de la dépense publique et la reconnaissance que la Nation doit accorder aux enseignants à la hauteur de l’importance de leur mission. L’évolution des effectifs des fonctions publiques devra naturellement être modulée en fonction des besoins prioritaires. S’agissant de l’Éducation nationale, je ne méconnais nullement la nécessité d’accorder des moyens plus importants, par exemple dans le premier degré, car les premiers signes de décrochage se manifestent dès le plus jeune âge. Mais il faut sortir d’une approche qui réduit depuis tant d’années le débat sur l’école à la seule question des moyens. Les défis à relever sont infiniment plus complexes.
C’est l’organisation toute entière de notre système éducatif qui exige une adaptation de grande ampleur. Et en particulier, la mise en valeur de ce qui est sa ressource essentielle, c’est-à-dire les enseignants eux-mêmes. La reconnaissance qui leur est due ne se limite pas à une meilleure rémunération mais doit s’étendre aux conditions d’exercice de leur métier, à commencer par leur formation initiale et continue, et à leurs parcours professionnels.
Il serait déraisonnable d’engager ce travail de long terme sans commencer par recueillir le témoignage et les attentes des enseignants. Ils sont les premiers à vouloir faire évoluer les choses, en particulier pour tous ces jeunes qui sortent du collège sans disposer du socle de connaissances et de compétences nécessaires à leur réussite. Le projet pour l’éducation sur lequel je travaille prendra appui sur leurs diagnostics et leurs propositions. Ma conviction est que rien ne sera possible sans le concours et la confiance des enseignants. »
Propos recueillis par Luc Cédelle