Audrey Maurin, déléguée générale de la Fédération des établissements scolaires publics innovants (FESPI) et professeur de sciences économiques et sociales au microlycée 93, répond à l’Ajéduc sur la question de l’innovation dans l’Education nationale.
Ajéduc : « Le Conseil national pour l’Innovation et la Réussite éducative (CNIRE) vient de remettre son rapport. Il souligne notamment : « De nombreuses équipes innovantes se plaignent des entraves et des difficultés qu’elles rencontrent (…), de l’absence de reconnaissance, parfois même de l’hostilité ouverte et active de l’institution ». Pourtant, dans le même temps, l’Education nationale explique vouloir favoriser l’autonomie pédagogique des acteurs. L’institution semble alors se trouver dans une certaine schizophrénie. Que faudrait-il faire et changer pour que l’Education nationale n’ait plus peur de l’innovation ? »
Audrey Maurin : « Je ne parlerais pas forcément d’une peur de l’innovation, mais il est certain qu’on peut regretter un manque de positionnement clair vis-à-vis des équipes innovantes. En effet, celles-ci se trouvent souvent face à des situations tout aussi contradictoires qu’inconfortables dans laquelle les autorités académiques ou nationales vont valoriser publiquement leur action tout en les soumettant à d’importantes difficultés de fonctionnement. L’importance de faire évoluer le système scolaire est aujourd’hui globalement acceptée, mais l’Éducation nationale montre cependant encore des réticences à reconnaître la nécessité de donner plus de souplesse au cadre institutionnel.
L’argument qui consiste à défendre le principe d’égalité de l’école républicaine, tant dans le traitement des élèves à qui il faudrait proposer un modèle unique d’enseignement que dans l’affectation des professeurs qui ne pourrait se faire qu’à l’ancienneté, n’est en réalité souvent qu’une excuse pour revendiquer le statu quo. Or, nous avons aujourd’hui la preuve que ce dernier est non seulement peu favorable à l’épanouissement des élèves mais accroit également les inégalités sociales.
Il est indispensable de donner aux équipes pédagogiques davantage d’autonomie dans la définition et la mise en œuvre du projet éducatif qu’elles souhaitent mener. Cette évolution ne pourra être efficace que si l’on traduit l’importance du travail collectif par l’inscription d’un temps de concertation dans l’emploi du temps des professeurs. Sans cela, aucun progrès ne pourra être espéré pour l’éducation de nos enfants. »
Propos recueillis par Erwin Canard